La dynamique de minéralisation des sols diffère que l’on soit en Agriculture de Conservation des Sols ou dans un système travaillé. L’enjeu en termes de fertilisation réside alors dans une bonne capacité à comprendre ces systèmes, et à adapter ses pratiques pour favoriser l’installation et le bon développement de ses cultures de printemps.
Adapter vos pratiques de fertilisation à la dynamique de minéralisation des sols
Pour bien comprendre l’impact de l’Agriculture de Conservation des Sols sur la gestion de la fertilisation, il est tout d’abord nécessaire d’aborder la question de la minéralisation de vos sols, et des différences qui existent avec un système travaillé.
La minéralisation est ce processus qui, par l’action de micro-organismes, va permettre de transformer la matière organique en minéral. Pour cela, ces micro-organismes ont besoin d’oxygène, d’une température suffisamment élevée, et d’humidité. L’intensité de la minéralisation dépendra également du taux de matière organique : plus la teneur en matière organique d’un sol sera élevée, plus l’intensité de la minéralisation (lorsque les conditions sont réunies) sera importante.
Ainsi, un sol non travaillé va connaître 2 pics de minéralisation. Le premier, à la sortie de l’hiver, sera assez lent : dans un sol froid et souvent gorgé d’eau, l’eau va s’égoutter progressivement, permettant à l’oxygène d’entrer dans le sol. La température du sol va augmenter, entrainant alors une intensification de l’activité des micro-organismes, créant un pic de minéralisation qui s’étendra ainsi sur les mois d’avril, mai et juin. L’été, l’activité des bactéries sera limitée par le manque d’eau. Ensuite, le second pic aura lieu à l’automne : il sera plus intense et sur une période plus courte, principalement en octobre, lorsque les terres suffisamment réchauffées et bien drainées recevront les premières pluies.
Dans un système conventionnel, le travail du sol va injecter de manière artificielle de l’oxygène dans ce sol, intensifiant alors l’activité des micro-organismes et amplifiant ainsi le pic de minéralisation. À noter que plus la profondeur de travail est importante plus le niveau d’oxygénation sera conséquent, et plus ce pic de minéralisation sera intense – permettant alors une installation rapide des cultures.
Les différences de dynamiques de minéralisation entre ces deux systèmes vont donc avoir une incidence importante sur les reliquats d’azote. À la sortie d’hiver dans un système ACS les reliquats d’azote seront très bas, d’une part car il n’y aura pas eu de travail du sol à l’automne, mais également parce que les couverts implantés devant les cultures vont consommer les éléments minéraux du sol. Pour palier cela, il est important d’apporter les engrais nécessaires en amont et en quantités suffisantes. À l’inverse, comme nous l’avons vu, le travail du sol à l’automne aura amplifié le phénomène de minéralisation, et permettra ainsi de bénéficier à la sortie d’hiver de reliquats d’azote encore importants… parfois trop importants pour les besoins des plantes à ce stade. Ce pic de minéralisation artificiel n’est d’ailleurs pas sans soulever des problématiques liées à la fuite des nitrates (qualité des eaux, pucerons, maladies racinaires…).
Quels impacts des couverts sur la fertilisation des cultures d’automne ?
Comme nous l’avons vu, sur les cultures d’automne l’implantation de couverts permet non seulement de protéger les sols contre l’érosion et les UV, mais également de stabiliser la structure et de nourrir les organismes. Cependant le développement de ces couverts entraine une plus grande consommation de nutriments (qui seront restitués plus tard), par rapport à un système conventionnel.
Par ailleurs, la dégradation des résidus de couverts peut également entrainer une consommation d’azote, et ainsi réduire davantage les reliquats disponibles à la sortie d’hiver. Plus les résidus de couverts sont ligneux (rapport C / N haut), plus leur dégradation consommera d’azote.
Il est donc indispensable pour moi d’apporter des engrais tôt dans vos sols, et dans des quantités plus importantes qu’en conventionnel – en veillant néanmoins à respecter les réglementations indiquées.
Le stade de développement du couvert et sa composition au moment de sa destruction sont déterminants sur la gestion de la fertilisation au printemps
En Agriculture de Conservation, il est vraiment important de mesurer l’impact que vont avoir vos couverts sur la fertilisation de vos cultures, selon leur développement et selon les espèces implantées dans ces couverts.
Plus le couvert sera resté vert, avec des proportions importantes de légumineuses (dont le rapport C / N est faible), plus il sera à même de restituer des éléments fertilisants rapidement au printemps.
À l’inverse, plus le couvert sera jaune et à un stade évolué, avec des proportions de crucifères et de céréales importantes, plus les risques de consommation d’éléments fertilisants lors de sa dégradation seront importants. En sommes, plus le couvert est lignifié plus sa dégradation sera susceptible de consommer des éléments fertilisants, et plus la restitution de ces éléments sera lente.
Ainsi le stade de développement du couvert et sa composition au moment de sa destruction seront déterminants sur la gestion de la fertilisation au printemps.
Pour détruire un couvert, le moyen le plus simple reste de le rouler par temps de gel (avec par exemple des rouleaux Cambridge), afin de détruire la plus grande majorité des espèces (à l’exception de quelques graminées et légumineuses). Lors de ce roulage, il faudra faire attention à ce que les terres soient suffisamment ressuyées pour ne pas créer de zones de compactions. Cette méthode présente les avantages d’être simple, peu coûteuse et rapide. Une autre solution consiste à détruire votre couvert par broyage. Bien que certaines espèces puissent résister à ce broyage (radis, graminées…), cette méthode permet d’amplifier la rapidité de la décomposition du couvert au printemps.
Comment pallier les concurrences entre les couverts et les cultures de printemps ?
Sur les cultures de printemps, la décomposition du couvert peut venir concurrencer l’alimentation et la fertilisation des cultures de printemps à leur démarrage. Pour vous en prémunir, je vous conseille d’avancer vos fertilisations et vos apports en azote, avant même l’implantation des cultures de printemps, afin qu’une partie de ces apports permette d’accélérer la dégradation des résidus.
Par rapport à un itinéraire conventionnel, la disponibilité des éléments fertilisants au moment du semis de la culture de printemps sera bien plus faible en semis direct. Pour pallier cette différence, je vous recommande ici de retarder l’implantation de ces cultures de printemps. Cela permettra d’intervenir dans un sol plus réchauffé, avec une biologie plus importante, et/ou d’apporter des éléments fertilisants en localisé pour favoriser la vigueur de ces cultures au démarrage.
La réussite des cultures de printemps réside ainsi dans la capacité à comprendre le fonctionnement de ses sols. Il est alors essentiel de tenir compte des cycles naturels de minéralisation et de décomposition, afin d’être en mesure d’anticiper vos interventions – notamment sur la destruction des couverts – et de réguler vos apports d’engrais, et ainsi installer un contexte de fertilisation favorable pour vos cultures.
Vous souhaitez être accompagné sur la gestion de la fertilisation de vos sols ? N’hésitez pas à me contacter ici ou directement sur mon profil Twitter @PaulRobertAgo