Dans un précédent article, je vous indiquais comment repenser vos pratiques agronomiques à l’échelle des rotations culturales. Le voyage d’étude au Canada a également été l’occasion de découvrir de nouvelles méthodes de fertilisation des sols, adaptées à des cultures en semis direct et déterminantes dans le bon développement des cultures et des couverts végétaux. L’impact positif de ces techniques innovantes sur les niveaux de rendement n’est plus à démontrer.

Diminuer de moitié ses apports en azote tout en répondant aux besoins des plantes

Notre voyage d’étude sur le territoire canadien a démontré l’importance d’une forte fertilité biologique des sols pour répondre aux besoins des cultures. En effet, la fertilisation permet non seulement de renforcer la couverture des cultures, mais également de répondre à tous les besoins des plantes dès leur démarrage.

Sur cette question, nous avons eu l’occasion d’échanger avec Jocelyn Michon – pionnier du semis direct au Canada, et Odette Ménard – ingénieur experte en conservation des sols et de l’eau au Québec. Depuis plus de 20 ans, Jocelyn cultive 240 hectares de blé, soja, maïs, pois et haricots en semis direct. Grâce à la mise en place de couverts, au non-travail du sol et à une forte fertilité biologique, il arrive à diminuer de moitié ses apports d’azote par rapport aux systèmes conventionnels. Il parvient par exemple à produire 95 kg de maïs par kg d’azote apporté, alors que les agriculteurs de sa région produisent en moyenne 56 kg de maïs par kg d’azote…

Ainsi le semis-direct sous couverts peut apporter des résultats très convaincants. L’hétérogénéité des espèces présentes dans les couverts (légumineuses, polygonacées…) apporte une forte diversité biologique, qui permet le recyclage des éléments nutritifs répondant aux besoins des plantes. Ces éléments nutritifs n’étant pas toujours disponibles aux stades juvéniles des plantes, notamment dans des conditions froides, il est impératif d’appliquer une fertilisation en localisé pour stimuler le démarrage des cultures.

Choisir la fertilisation localisée pour mieux répondre aux besoins précoces des plantes

La fertilisation localisée peut être effectuée de plusieurs manières, dans la ligne de semis ou à proximité, en solide ou en liquide :

  • La fertilisation solide se fera généralement par un apport de 18-46 (DAP ou Sulfate de Magnésie). Certains engrais sont formulés avec des oligo-éléments ou des micro-organismes. Les possibilités d’adapter la composition par rapport aux besoins de la plante restent plus limitées que pour l’application liquide. De plus, les risques de brûlure des germes liés à la salinité des engrais sont généralement plus importants avec les fertilisants solides.
  • Les applications liquides (14-48 et sulfate de potasse) directement dans la ligne de semis permettent à la fois de jouer sur la vigueur des plantes au démarrage des cultures, mais également de couvrir une partie de leurs besoins. Ces modes d’application liquides permettent par ailleurs l’ajout d’oligo-éléments dans la ligne de semis, afin de répondre aux besoins plus spécifiques des cultures. Certains agriculteurs ajoutent par exemple du zinc dans le sillon des maïs, ou encore du cuivre sur les céréales. Les apports d’azote liquides se font quant à eux en décalé de la ligne (5 cm), lors du semis ou après la levée. Enfin l’application en liquide présente également l’avantage de pouvoir apporter facilement des produits de biocontrôle sur les cultures.
Accroître la diversité biologique de ses sols grâce aux biostimulants et au biocontrôle

Les nodosités se multiplient sur les légumineuses grâce aux mélanges de compost oxygénés.

Au cours de ce voyage, nous avons rencontré des agriculteurs qui ont fait le choix des biostimulants pour booster l’activité biologique de leurs plantes. C’est le cas de Derek et Tannis Axten, agriculteurs-agronomes en cultures associées, qui incorporent des extraits de compost oxygénés dans les lignes de semis. Tannis a suivi une formation en microbiologie auprès d’Elaine Ingham, qui lui permet désormais de sélectionner des composts de meilleure qualité, avec les propriétés microbiologiques les plus intéressantes. Des oligo-éléments, des acides aminés, de la mélasse et des inoculants sont également ajoutés à ces extraits de compost sélectionnés, avant d’être enfouis dans la ligne de semis. Ce mélange permet par exemple de multiplier considérablement le nombre de nodosités présentes sur les légumineuses. En seulement 4 ans, cette technique, couplée au semis direct sous couvert végétal, a permis de développer considérablement l’activité microbienne de leurs sols. La vigueur et la santé des plantes de Derek et Tannis sont telles qu’ils n’utilisent plus aucun insecticide ni aucun fongicide – à noter cependant que les pressions parasitaires sont faibles au Canada.

D’autres agriculteurs obtiennent également des résultats tout aussi intéressants grâce à l’utilisation de bactéries promotrices de croissance racinaires (PGPR) et de champignons filamenteux, appliqués en enrobage de semence ou directement dans la ligne de semis.

Qu’il s’agisse de promouvoir la diversité biologique des sols ou de de booster le démarrage des cultures, la fertilisation localisée offre des retours sur investissement extrêmement positifs, notamment dans des phases de transition au semis direct. De nombreux distributeurs proposent déjà ces différents types de fertilisants adaptés au semis direct en France : il serait alors intéressant d’aller tester ces dispositifs dans nos environnements.

Pour vous faire accompagner dans le passage de vos cultures au semis direct, contactez-moi ici ou directement sur mon profil Twitter @PaulRobertAgo.

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