Comment adapter la fertilisation à la dynamique de minéralisation de ses sols au printemps ?

Comment adapter la fertilisation à la dynamique de minéralisation de ses sols au printemps ?

La dynamique de minéralisation des sols diffère que l’on soit en Agriculture de Conservation des Sols ou dans un système travaillé. L’enjeu en termes de fertilisation réside alors dans une bonne capacité à comprendre ces systèmes, et à adapter ses pratiques pour favoriser l’installation et le bon développement de ses cultures de printemps.

Adapter vos pratiques de fertilisation à la dynamique de minéralisation des sols

Pour bien comprendre l’impact de l’Agriculture de Conservation des Sols sur la gestion de la fertilisation, il est tout d’abord nécessaire d’aborder la question de la minéralisation de vos sols, et des différences qui existent avec un système travaillé.

La minéralisation est ce processus qui, par l’action de micro-organismes, va permettre de transformer la matière organique en minéral. Pour cela, ces micro-organismes ont besoin d’oxygène, d’une température suffisamment élevée, et d’humidité. L’intensité de la minéralisation dépendra également du taux de matière organique : plus la teneur en matière organique d’un sol sera élevée, plus l’intensité de la minéralisation (lorsque les conditions sont réunies) sera importante.

Ainsi, un sol non travaillé va connaître 2 pics de minéralisation. Le premier, à la sortie de l’hiver, sera assez lent : dans un sol froid et souvent gorgé d’eau, l’eau va s’égoutter progressivement, permettant à l’oxygène d’entrer dans le sol. La température du sol va augmenter, entrainant alors une intensification de l’activité des micro-organismes, créant un pic de minéralisation qui s’étendra ainsi sur les mois d’avril, mai et juin. L’été, l’activité des bactéries sera limitée par le manque d’eau. Ensuite, le second pic aura lieu à l’automne : il sera plus intense et sur une période plus courte, principalement en octobre, lorsque les terres suffisamment réchauffées et bien drainées recevront les premières pluies.

Dans un système conventionnel, le travail du sol va injecter de manière artificielle de l’oxygène dans ce sol, intensifiant alors l’activité des micro-organismes et amplifiant ainsi le pic de minéralisation. À noter que plus la profondeur de travail est importante plus le niveau d’oxygénation sera conséquent, et plus ce pic de minéralisation sera intense – permettant alors une installation rapide des cultures.

Les différences de dynamiques de minéralisation entre ces deux systèmes vont donc avoir une incidence importante sur les reliquats d’azote. À la sortie d’hiver dans un système ACS les reliquats d’azote seront très bas, d’une part car il n’y aura pas eu de travail du sol à l’automne, mais également parce que les couverts implantés devant les cultures vont consommer les éléments minéraux du sol. Pour palier cela, il est important d’apporter les engrais nécessaires en amont et en quantités suffisantes. À l’inverse, comme nous l’avons vu, le travail du sol à l’automne aura amplifié le phénomène de minéralisation, et permettra ainsi de bénéficier à la sortie d’hiver de reliquats d’azote encore importants… parfois trop importants pour les besoins des plantes à ce stade. Ce pic de minéralisation artificiel n’est d’ailleurs pas sans soulever des problématiques liées à la fuite des nitrates (qualité des eaux, pucerons, maladies racinaires…).

Quels impacts des couverts sur la fertilisation des cultures d’automne ?

Comme nous l’avons vu, sur les cultures d’automne l’implantation de couverts permet non seulement de protéger les sols contre l’érosion et les UV, mais également de stabiliser la structure et de nourrir les organismes. Cependant le développement de ces couverts entraine une plus grande consommation de nutriments (qui seront restitués plus tard), par rapport à un système conventionnel.

Par ailleurs, la dégradation des résidus de couverts peut également entrainer une consommation d’azote, et ainsi réduire davantage les reliquats disponibles à la sortie d’hiver. Plus les résidus de couverts sont ligneux (rapport C / N haut), plus leur dégradation consommera d’azote.

Il est donc indispensable pour moi d’apporter des engrais tôt dans vos sols, et dans des quantités plus importantes qu’en conventionnel – en veillant néanmoins à respecter les réglementations indiquées.

Le stade de développement du couvert et sa composition au moment de sa destruction sont déterminants sur la gestion de la fertilisation au printemps

En Agriculture de Conservation, il est vraiment important de mesurer l’impact que vont avoir vos couverts sur la fertilisation de vos cultures, selon leur développement et selon les espèces implantées dans ces couverts.

Plus le couvert sera resté vert, avec des proportions importantes de légumineuses (dont le rapport C / N est faible), plus il sera à même de restituer des éléments fertilisants rapidement au printemps.

À l’inverse, plus le couvert sera jaune et à un stade évolué, avec des proportions de crucifères et de céréales importantes, plus les risques de consommation d’éléments fertilisants lors de sa dégradation seront importants. En sommes, plus le couvert est lignifié plus sa dégradation sera susceptible de consommer des éléments fertilisants, et plus la restitution de ces éléments sera lente.

Ainsi le stade de développement du couvert et sa composition au moment de sa destruction seront déterminants sur la gestion de la fertilisation au printemps.

Pour détruire un couvert, le moyen le plus simple reste de le rouler par temps de gel (avec par exemple des rouleaux Cambridge), afin de détruire la plus grande majorité des espèces (à l’exception de quelques graminées et légumineuses). Lors de ce roulage, il faudra faire attention à ce que les terres soient suffisamment ressuyées pour ne pas créer de zones de compactions. Cette méthode présente les avantages d’être simple, peu coûteuse et rapide. Une autre solution consiste à détruire votre couvert par broyage. Bien que certaines espèces puissent résister à ce broyage (radis, graminées…), cette méthode permet d’amplifier la rapidité de la décomposition du couvert au printemps.

Comment pallier les concurrences entre les couverts et les cultures de printemps ?

Sur les cultures de printemps, la décomposition du couvert peut venir concurrencer l’alimentation et la fertilisation des cultures de printemps à leur démarrage. Pour vous en prémunir, je vous conseille d’avancer vos fertilisations et vos apports en azote, avant même l’implantation des cultures de printemps, afin qu’une partie de ces apports permette d’accélérer la dégradation des résidus.

Par rapport à un itinéraire conventionnel, la disponibilité des éléments fertilisants au moment du semis de la culture de printemps sera bien plus faible en semis direct. Pour pallier cette différence, je vous recommande ici de retarder l’implantation de ces cultures de printemps. Cela permettra d’intervenir dans un sol plus réchauffé, avec une biologie plus importante, et/ou d’apporter des éléments fertilisants en localisé pour favoriser la vigueur de ces cultures au démarrage. 

La réussite des cultures de printemps réside ainsi dans la capacité à comprendre le fonctionnement de ses sols. Il est alors essentiel de tenir compte des cycles naturels de minéralisation et de décomposition, afin d’être en mesure d’anticiper vos interventions – notamment sur la destruction des couverts – et de réguler vos apports d’engrais, et ainsi installer un contexte de fertilisation favorable pour vos cultures.

Vous souhaitez être accompagné sur la gestion de la fertilisation de vos sols ? N’hésitez pas à me contacter ici ou directement sur mon profil Twitter @PaulRobertAgo

Comment implanter, fertiliser et désherber ses céréales d’automne en Agriculture de Conservation des Sols ?

Comment implanter, fertiliser et désherber ses céréales d’automne en Agriculture de Conservation des Sols ?

La gestion des couverts végétaux est déterminante en semis direct. Au-delà de limiter les risques d’adventices et de ravageurs, le semis direct sous couverts permet également de soutenir l’activité biologique des sols. Semer vos cultures de céréales d’automne en Agriculture de Conservation des Sols vous demandera néanmoins de revoir certaines de vos méthodes d’implantation, de fertilisation et de désherbage.

Le précédent conditionne fortement les itinéraires techniques

De manière générale, je déconseille les implantations de pailles sur pailles, notamment les blés sur blés. Toutefois, pour optimiser les chances de réussite sur ce type de précédents, il est indispensable que votre couvert atteigne un minimum de 3 tonnes de matière sèche par hectare ; sans cela, les risques sont importants et un passage en TCS est à envisager. Exporter les pailles permet d’assurer la qualité du semis, surtout avec un semoir à disque. L’interculture entre 2 pailles est courte ; ainsi, pour assurer une biomasse de couverts suffisante et casser les cycles, je vous conseille de vous diriger vers des implantations sous couverts permanents de trèfle, lotier ou luzerne. Ces couverts doivent être implantés en amont, idéalement avec un colza ou une céréale de printemps.

Pour les personnes en transition au semis direct, il est préférable de vous orienter vers des implantations de céréales derrière colza, lin ou protéagineux, permettant des semis précoces, avec moins de problèmes de gestion des résidus de culture.

Pour les précédents maïs grain, veillez à récolter le maïs haut pour limiter les résidus au sol et sécuriser le semis. La gestion des cannes est importante pour limiter les risques des fusarioses et permettre aux rapaces de chasser les campagnols. Un broyage des cannes de maïs post-semis est idéal. À défaut, vous pouvez également les rabattre au sol par un roulage au printemps en condition ressuyée.

Avancer d’une semaine vos semis de céréales

Ne pas travailler les sols réduit la libération d’azote par minéralisation. Le développement des céréales à l’automne est donc généralement plus lent. Pour palier cela, il vous faudra avancer vos dates de semis par rapport à des semis classiques.

Néanmoins si vous rencontrez des problématiques de désherbage graminées, les semis doivent être retardés. Il faudra par conséquent densifier vos semis et éventuellement compenser le manque de minéralisation par une fertilisation adaptée.

Majorer la densité de ses semis pour limiter le salissement des parcelles

La densité du semis peut être un levier extrêmement intéressant dans la bonne gestion du désherbage. Doubler les densités sur des zones à problématiques graminées connues permettra une couverture plus rapide et une concurrence plus importante, limitant ainsi le salissement des parcelles.

De manière générale, les densités de semis doivent être majorées en Agriculture de Conservation des Sols. Rappelez-vous que les précédents culturaux, le volume de résidus, mais aussi le type de semoir sont des facteurs importants à prendre en compte dans vos choix.

Appliquer des biostimulants pour favoriser vos cultures de céréales

Appliquer une fertilisation minérale localisée sur des blés assolés présente peu d’intérêt. Elle peut cependant être utilisée à certaines occasions :

  • En cas de carences avérées (notamment en phosphore) ou de risque de blocage.
  • Lors d’implantations de pailles sur pailles en semis direct.
  • Sur les semis tardifs (à partir de novembre) afin de compenser le manque de minéralisation.

Le statut acido-basique de vos sols est à surveiller pour anticiper les risques de blocage. Au-delà du pH, il est également important de regarder le taux de calcaire total (CaCO3) sur les horizons superficiels en semis direct. Des acidifications de surface peuvent en effet apparaître par décalcification de l’horizon superficiel. Ces conditions seraient alors propices au développement de certaines graminées (notamment de vulpin).

Si la fertilisation minérale n’est pas toujours nécessaire, l’utilisation de biostimulants apporte des résultats extrêmement intéressants, notamment en phase de transition au semis direct. L’apport de micro-organismes (extraits de compost, rhizobactéries PGPR, champignons…) ou de stimulateurs (macérations, acides humiques…) favorise l’activité biologique du sol, et participe à la bonne implantation des céréales d’automne. De larges gammes de produits existent aujourd’hui, à appliquer en plein, en localisé ou en traitement de semence ; n’hésitez pas à me contacter pour vous orienter vers les solutions les plus adaptées à votre système.

Des solutions de biocontrôle pour limiter les dégâts causés par les ravageurs

Semer dans un couvert vivant vous permettra de limiter considérablement les risques de dégâts de limaces ou de viroses (liés aux pucerons et cicadelles). Attention, la présence de graminées vectrices de virose – tel que l’avoine – dans un couvert avant céréales est à proscrire. Les mélanges variétaux constituent également un outil extrêmement intéressant dans la gestion du risque de maladies.

Cependant, le non-travail du sol peut favoriser le développement de certains ravageurs, tels que les campagnols. Bien que leur contrôle reste impératif à l’automne, plusieurs mesures préventives peuvent être mises en place pour limiter le développement de leurs populations. Ainsi, le fauchage ou le broyage des étoles de pailles permettra par exemple à des prédateurs d’intervenir sur le contrôle de ces populations.

D’autres pratiques de biocontrôle donnent également des résultats très intéressants sur la gestion des ravageurs, telle que l’utilisation d’huiles essentielles ou de macérations pour lutter contre les pucerons à l’automne.

Une couverture vivante pour limiter le risque d’adventices

Comme je vous l’indiquais, semer dans des couverts vivants limitera non seulement les risques de ravageurs, mais sécurisera également l’installation de la culture et améliorera la gestion du désherbage.

Veillez tout d’abord à garder le plus longtemps possible une couverture vivante lors de votre désherbage. La destruction du couvert permettra ainsi de gérer les graminées, tout en laissant le couvert se dégrader le plus lentement possible.

À la différence des itinéraires conventionnels (TCS, labour) où le travail de sol favorise la germination des adventices, la levée de dormance des mauvaises herbes en ACS sera principalement favorisée par la lumière et les précipitations. D’où l’importance de garder une couverture le plus longtemps possible. En présence de couvert et de résidus de cultures, il est indispensable de positionner le désherbage des céréales sous ou devant une pluie, lorsque le couvert commence à se dégrader.

Par ailleurs, il est impératif de perturber le moins possible vos sols pour limiter les levées d’adventices. Cela implique des semis à vitesse lente, avec des semoirs perturbant très peu les sols. Je vous recommande d’utiliser un semoir à disque pour semer dans ce couvert vivant – l’utilisation d’un semoir à dents nécessitant généralement de broyer le couvert avant le semis.

Le semis direct sous couvert entraine une dynamique de minéralisation et de levée des adventices particulière. La gestion de la fertilisation et du désherbage sont des aspects extrêmement importants en Agriculture de Conservation des Sols. Il devient alors impératif d’adapter vos plans d’interventions par rapport aux techniques conventionnelles.

Pour être accompagné sur les techniques de désherbages et de fertilisation en semis direct, n’hésitez pas à me contacter ici ou directement sur mon profil Twitter @PaulRobertAgo

Retours de Canada : des (bio)fertilisants pour stimuler le démarrage de ses cultures

Retours de Canada : des (bio)fertilisants pour stimuler le démarrage de ses cultures

Dans un précédent article, je vous indiquais comment repenser vos pratiques agronomiques à l’échelle des rotations culturales. Le voyage d’étude au Canada a également été l’occasion de découvrir de nouvelles méthodes de fertilisation des sols, adaptées à des cultures en semis direct et déterminantes dans le bon développement des cultures et des couverts végétaux. L’impact positif de ces techniques innovantes sur les niveaux de rendement n’est plus à démontrer.

Diminuer de moitié ses apports en azote tout en répondant aux besoins des plantes

Notre voyage d’étude sur le territoire canadien a démontré l’importance d’une forte fertilité biologique des sols pour répondre aux besoins des cultures. En effet, la fertilisation permet non seulement de renforcer la couverture des cultures, mais également de répondre à tous les besoins des plantes dès leur démarrage.

Sur cette question, nous avons eu l’occasion d’échanger avec Jocelyn Michon – pionnier du semis direct au Canada, et Odette Ménard – ingénieur experte en conservation des sols et de l’eau au Québec. Depuis plus de 20 ans, Jocelyn cultive 240 hectares de blé, soja, maïs, pois et haricots en semis direct. Grâce à la mise en place de couverts, au non-travail du sol et à une forte fertilité biologique, il arrive à diminuer de moitié ses apports d’azote par rapport aux systèmes conventionnels. Il parvient par exemple à produire 95 kg de maïs par kg d’azote apporté, alors que les agriculteurs de sa région produisent en moyenne 56 kg de maïs par kg d’azote…

Ainsi le semis-direct sous couverts peut apporter des résultats très convaincants. L’hétérogénéité des espèces présentes dans les couverts (légumineuses, polygonacées…) apporte une forte diversité biologique, qui permet le recyclage des éléments nutritifs répondant aux besoins des plantes. Ces éléments nutritifs n’étant pas toujours disponibles aux stades juvéniles des plantes, notamment dans des conditions froides, il est impératif d’appliquer une fertilisation en localisé pour stimuler le démarrage des cultures.

Choisir la fertilisation localisée pour mieux répondre aux besoins précoces des plantes

La fertilisation localisée peut être effectuée de plusieurs manières, dans la ligne de semis ou à proximité, en solide ou en liquide :

  • La fertilisation solide se fera généralement par un apport de 18-46 (DAP ou Sulfate de Magnésie). Certains engrais sont formulés avec des oligo-éléments ou des micro-organismes. Les possibilités d’adapter la composition par rapport aux besoins de la plante restent plus limitées que pour l’application liquide. De plus, les risques de brûlure des germes liés à la salinité des engrais sont généralement plus importants avec les fertilisants solides.
  • Les applications liquides (14-48 et sulfate de potasse) directement dans la ligne de semis permettent à la fois de jouer sur la vigueur des plantes au démarrage des cultures, mais également de couvrir une partie de leurs besoins. Ces modes d’application liquides permettent par ailleurs l’ajout d’oligo-éléments dans la ligne de semis, afin de répondre aux besoins plus spécifiques des cultures. Certains agriculteurs ajoutent par exemple du zinc dans le sillon des maïs, ou encore du cuivre sur les céréales. Les apports d’azote liquides se font quant à eux en décalé de la ligne (5 cm), lors du semis ou après la levée. Enfin l’application en liquide présente également l’avantage de pouvoir apporter facilement des produits de biocontrôle sur les cultures.
Accroître la diversité biologique de ses sols grâce aux biostimulants et au biocontrôle

Les nodosités se multiplient sur les légumineuses grâce aux mélanges de compost oxygénés.

Au cours de ce voyage, nous avons rencontré des agriculteurs qui ont fait le choix des biostimulants pour booster l’activité biologique de leurs plantes. C’est le cas de Derek et Tannis Axten, agriculteurs-agronomes en cultures associées, qui incorporent des extraits de compost oxygénés dans les lignes de semis. Tannis a suivi une formation en microbiologie auprès d’Elaine Ingham, qui lui permet désormais de sélectionner des composts de meilleure qualité, avec les propriétés microbiologiques les plus intéressantes. Des oligo-éléments, des acides aminés, de la mélasse et des inoculants sont également ajoutés à ces extraits de compost sélectionnés, avant d’être enfouis dans la ligne de semis. Ce mélange permet par exemple de multiplier considérablement le nombre de nodosités présentes sur les légumineuses. En seulement 4 ans, cette technique, couplée au semis direct sous couvert végétal, a permis de développer considérablement l’activité microbienne de leurs sols. La vigueur et la santé des plantes de Derek et Tannis sont telles qu’ils n’utilisent plus aucun insecticide ni aucun fongicide – à noter cependant que les pressions parasitaires sont faibles au Canada.

D’autres agriculteurs obtiennent également des résultats tout aussi intéressants grâce à l’utilisation de bactéries promotrices de croissance racinaires (PGPR) et de champignons filamenteux, appliqués en enrobage de semence ou directement dans la ligne de semis.

Qu’il s’agisse de promouvoir la diversité biologique des sols ou de de booster le démarrage des cultures, la fertilisation localisée offre des retours sur investissement extrêmement positifs, notamment dans des phases de transition au semis direct. De nombreux distributeurs proposent déjà ces différents types de fertilisants adaptés au semis direct en France : il serait alors intéressant d’aller tester ces dispositifs dans nos environnements.

Pour vous faire accompagner dans le passage de vos cultures au semis direct, contactez-moi ici ou directement sur mon profil Twitter @PaulRobertAgo.

Retours de Canada : repenser ses pratiques agronomiques à l’échelle des rotations culturales

Retours de Canada : repenser ses pratiques agronomiques à l’échelle des rotations culturales

Les voyages d’études permettent de croiser les regards afin d’en tirer de nouveaux apprentissages. Ce fut tout l’intérêt du voyage au Canada organisé par Agrilys et l’APAD du 18 au 27 juin 2019, autour du semis direct et de la gestion des sols. Immergés dans un environnement aux conditions pédoclimatiques bien spécifiques, l’enjeu était double : découvrir la manière dont les différentes techniques d’agriculture de conservation sont adaptées à ce milieu et mener une réflexion plus globale sur ces nouvelles pratiques agronomiques.

Les visites d’exploitations de soja et de maïs – les deux principales cultures du pays, de blé d’hiver et de printemps, de seigle, de canola ainsi que de haricots et de pois, ont permis de mieux appréhender les différentes techniques agronomiques mises en place dans cet environnement bien différent du nôtre.

En effet, le Canada est un pays qui se situe sur la même latitude qu’Angers… avec des hivers beaucoup plus rigoureux, qui s’étendent de mi-novembre à mi-avril, de la neige et des températures pouvant atteindre les -40°C. Outre des périodes culturales assez courtes (de mai à octobre), ce climat rend également les cultures d’hiver difficiles à positionner : la survie des cultures face au gel dépend de la quantité de neige tombée, qui servira alors d’isolant. 

Des couverts végétaux nécessaires à la fertilisation des sols en semis direct

Le semis direct est une technique très répandue au Canada : il représente 40% des terres cultivées contre 4% en France. Les personnes rencontrées ont une pratique très avancée du semis direct et des cultures associées.

Avec les cultures associées, l’idée est de chercher à générer des interactions entre chaque plante, de créer une complémentarité entre leurs apports et leurs besoins, afin d’en tirer mutuellement des bénéfices. Cette technique permet d’augmenter la photosynthèse produite, et donc le rendement par hectare.

L’un des premiers enseignements forts tiré de ce voyage d’étude : s’assurer de la bonne structure de son sol avant de passer au semis direct sous couverts. Selon les besoins de la parcelle, les Canadiens n’hésitent pas à sacrifier une année complète de culture pour sous-soler, drainer puis niveler la parcelle avant de positionner un couvert végétal pour le reste de la saison. Cela permettra à l’eau d’être évacuée plus rapidement et d’ainsi assurer une bonne oxygénation du profil. Bien structurer son sol c’est s’assurer d’un bon drainage.

Deuxième enseignement : assurer un démarrage rapide des cultures de printemps par une fertilisation localisée. Les fenêtres de semis sont courtes et ne laissent aucune place à l’improvisation. Une bonne qualité de semis couplée à une fertilisation localisée sont indispensables. Tous les agriculteurs rencontrés fertilisent en liquide directement sur la ligne de semis et complètent leurs apports d’azote dans l’inter-rang.

Généralement, le semis direct va reposer sur une rotation maïs, soja, céréale. Cette rotation permet d’assurer un bon développement des céréales d’automne. Bien souvent, le blé ou le seigle d’automne vont être semés à la volée, avant la récolte du soja. Le seigle d’automne est d’ailleurs privilégié par les agriculteurs canadiens pour sa meilleure résistance au froid, pour le pouvoir de structuration de son système racinaire et sa capacité à produire de la biomasse et du carbone.

Les Canadiens ont cette particularité de toujours évaluer en amont la pertinence de leurs choix agroéconomiques. Pendant 1 à 2 ans, ils testent donc différentes modalités sur des parcelles expérimentales, des « Parcelles cuisines », afin de les valider économiquement et agronomiquement avant de les déployer à plus large échelle sur leurs exploitations. C’est le cas de Colin Rosengren et Derek Axten qui mènent de nombreux essais sur leur exploitation dans le Saskatchewan. Plusieurs associations de cultures ont ainsi découlé de cette démarche. Parmi elles :

  • Un mélange canola (colza de printemps) et lentilles/pois, dans lequel les légumineuses vont fertiliser le canola en azote, ce qui va permettre de baisser de 80 unités la fertilisation du canola. De son côté, le canola va avoir un rôle de tuteur pour les pois et les lentilles, ce qui va assurer moins de pertes lors du battage
  • Un mélange maïs / soja, semés en même temps sur la même ligne de semis
  • Un mélange maïs et lin oléagineux, semé à la volée quand le maïs commence à pousser
  • Un mélange lin oléagineux / pois chiche

En matière de désherbage, les Canadiens peuvent utiliser des semences OGM Roundup Ready ce qui facilite l’intervention sur ces cultures associées. Pour autant, plusieurs de ces expériences sont adaptables au sol français, sous condition de pouvoir maîtriser ce désherbage.

Les cultures intercalaires : raisonner sa rentabilité à l’échelle d’une rotation

Les cultures intercalaires sont également très répandues au Canada. Il s’agit avec cette technique de semer des couverts dans des cultures déjà en place, afin de fertiliser les sols de manière biologique. Nous avons suivi différents itinéraires en cours de développement, notamment sur du maïs : celui-ci est semé à 150 cm, à une densité proche du conventionnel (80%). On va venir y implanter en inter-rang différents couverts : haricots noirs, pois fourragers, féverole…. Ces couverts végétaux vont baisser les besoins en fertilisation azotée du maïs, qui vont alors être laissés au sol et l’enrichir en matière organique. La rentabilité de cette technique peut alors surprendre. Cette pratique provoque en effet des pertes de rendement d’environ 20%, mais elle permet cependant d’obtenir des gains de rendements de l’ordre de 30 % sur la culture suivante, notamment sur du soja. L’intérêt ici est alors de raisonner la rentabilité de son exploitation non pas sur chaque culture, mais de raisonner sur une rotation.

Le choix du semis sous couvert permanent suppose une bonne gestion de la concurrence

À contrario, les couverts sont assez peu déployés dans les cultures canadiennes. L’hiver étant rude et long, le temps de pousse de ce couvert est court et reste inhospitalier. Quelques agriculteurs développent alors du semis sous couvert permanent avec différents mélanges de luzerne, mélilot, lotier, trèfle blanc, implantés dans leurs céréales de printemps. Ces couverts permanents explosent après la moisson, amendent le sol, préservent la structure l’hiver, favorisent le drainage au printemps et facilitent l’implantation de la culture suivante.

Nous avons d’ailleurs pu rencontrer des agriculteurs passionnants comme Sébastien Angers, un agronome qui s’essaie au semis direct sous couvert en agriculture biologique. Cette pratique, encore à l’étude, va regrouper l’ensemble de ces techniques de couverts permanents, cultures associées, cultures intercalaires, avec malgré tout un travail du sol sur la ligne de semis (scalpage et binage) afin de dégager la ligne, tout en conservant une couverture de l’inter-rang.

Toute la difficulté repose sur la gestion de la concurrence entre ce couvert et la culture en place, avec des périodes de développement différentes. Il s’agit alors de pouvoir raisonner sa rotation selon les propriétés de chaque plante et leurs influences sur le sol.

Les Canadiens ont développé des itinéraires techniques innovants (cultures associées, couverts permanant, cultures intercalaires…). Malgré un environnement pédoclimatique bien différent de celui que nous connaissons, nous pouvons très largement nous inspirer de ces pratiques en les adaptant à nos environnements.

Il ne s’agit plus d’avoir une vision réduite à l’échelle de cultures, mais de raisonner de manière plus globale sur l’ensemble d’un système de rotations.

Nous l’avons vu, la première étape d’un bon passage en semis direct est de s’assurer de la bonne structuration de son sol : retrouvez ici mes conseils pour structurer votre sol dans une culture de lin fibre en semis direct. Et pour toute question ou réaction contactez-moi ici ou directement sur mon profil Twitter @PaulRobertAgo

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